Attablé Le Diable Attend quelqu’un.
Il est pour une fois en avance d’un quart d’heure
sur son timing et termine un verre de bile noire.
Il remâche des répliques diaboliques et malignes
en vue de la joute verbale sans merci qui se profile,
il a peur. Le diable a peur.
Attablé Le Diable Attend. Cela l’irrite.
Il a déposé sa fourche dans un coin du restaurant de moules frites.
Il a chaud dans son costume,
ses longues cornes le grattent.
L’impatience le consume car son rendez-vous
a déjà quatre minutes de retard.
Accablé Le Diable Attend.
Sa journée fut mauvaise.
Les derniers sondages indiquent qu’il est en sérieuse baisse
d’audience en Access Prime Time.
Les succubes de moins de 500 ans
le zappent pendant la pub.
Sa carrière prend un tour inquiétant.
Accablé Le Diable Attend.
Il commence à se dire
que son interlocuteur ne va jamais venir.
Il le hait, le maudit, lui lance des sortilèges,
lui prédit un avenir plus laid qu’un complet beige crème en lin,
présage satanique et vilain.
Accablé le diable entend une rumeur qui le touche
et constate que la joie se dessine sur les bouches.
Mangeurs de moules à genoux se prosternent sans pudeur.
L’encadrement de la porte s’illumine de lueur.
La certitude est forte. Il s’agit du créateur
qui s’approche de la table où Satan l’attend,
et dit:" je n’ai que quelques minutes à t’accorder,
tu ne fascines plus la moindre âme vivante ou décédée,
je n’ai donc pas à revenir sur ce que j’ai décidé: «je te vire.»